Michel Risque, L’intégrale (Volume 1)
Croisement entre Bob Morane et Gaston Lagaffe, Michel Risque est un pauvre bougre qui se fait traîner d’aventures en pays sans trop comprendre ce qu’il lui arrive. Ses péripéties aussi drôles qu’absurdes rendent unique cet antihéros mythique de la BD québécoise que revisitent les Éditions de la Pastèque.
C’est en 1975 dans la revue littéraire La Barre du jour que naît Michel Risque sous la plume de Réal Godbout. Vivotant d’abord dans quelques histoires parues ici et là, le candide personnage prend solidement racine en 1979. Cette année-là, Jacques Hurtubise contacte Réal Godbout afin qu’il lui soumette un projet de BD pour son magazine à naître Croc. En accord avec son ami Pierre Fournier, qui devient son collaborateur à la scénarisation, les bédéistes proposent les aventures de Risque à l’éditeur, jugeant que leur homme a le mordant nécessaire pour baptiser les premières pages de la revue humoristique. Après deux premières histoires, publiées en deux parties, le succès est au rendez-vous et Risque passe du récit au feuilleton avec Le Savon maléfique, Michel Risque en vacances, Cap sur Poupoune, Le droit chemin et Destination Z qui ont déridé les lecteurs les uns après les autres.
Le ridicule ne tue pas
C’est toute une chance que le ridicule ne tue pas, car une bonne dose en tombe sur les épaules de Risque et ce, dès le début du Savon maléfique dans lequel il se retrouve amnésique. Contrairement aux autres héros dignes de ce nom qui auraient pu mettre leur perte de mémoire sur le compte d’une machination politique complexe, Michel, quant à lui, ne peut qu’attribuer son malheur à… un savon! He oui, ce redoutable outil de coquetterie est le point de départ d’un effet papillon impressionnant, car dans l’espoir de retrouver ses souvenirs, l’amnésique quitte un luxueux manoir des Laurentides pour s’envoler vers Singapour. S’en suit son adoption à Bornéo par une tribu d’orangs outangs géants et sa visite de la Russie sous l’identité d’un champion d’échec. Tout ça en étant poursuivi par un caddy colérique en quête de son pourboire… Étonnant, mais vrai, Michel Risque en vacances, qui suit cette première aventure est encore plus essoufflante. Après tout, le globe-trotter malchanceux s’y promène de la lune (!) au Lac-Saint-Jean en passant par la Floride. Il prend même le temps d’y croiser sa chère Poupoune, ses beaux-frères et le plus cinglé des agents du FBI, Red Ketchup.
Si le ridicule n’a pas réussi à l’achever, il ne s’est pas non plus laissé démonter par la mort de Croc en 1995. La preuve, 10 ans après le funeste événement, les éditions de La Pastèque ont décidé de rééditer les 5 volumes des aventures de Risque, qui sont depuis épuisés. Plutôt qu’opter pour leur réimpression, l’éditeur arrive cette année avec une version intégrale des aventures du héros à la mâchoire carrée en deux tomes avec des couvertures cartonnées en prime. Un premier volume publié en 2014 résume les deux premiers feuilletons (Le Savon maléfique et Michel Risque en vacances) en plus de contenir une section d’archives qui regroupe les toutes premières histoires de l’antihéros (Pas de fleurs pour la momie, L’acide bleue est pas bonne!, etc.) On y lit même un récit écrit par un certain Claude Meunier… ! Le tout est précédé d’une préface fort intéressante signée Sylvain Lemay, directeur du programme de bande dessinée de l’UQO, qui fait un portrait historique détaillé et très intéressant de Michel Risque.
Des histoires touffues
Comme les auteurs l’expliquent eux-mêmes, ils avaient comme principe de ne jamais emmagasiner d’idées pour une histoire éventuelle : tout devait servir au fur et à mesure. C’est exactement là qu’est tout le génie de leurs récits touffus. Ensemble, Godbout et Fournier ont créé une grande œuvre qui mérite l’importance et le soin que lui accorde La Pastèque. Malgré un enchevêtrement de personnages, de lieux et de situations complètement improbables et loufoques, on embarque avec plaisir dans leurs aventures. Côté illustration, il est aussi fort intéressant de mesurer l’évolution du dessin de Godbout avec les années. D’une planche à l’autre, la qualité de son trait gagne en assurance, les détails se précisent et les mises en scène sont plus claires.
Que peut-on espérer ?
Pour la suite, il faudra patienter sagement jusqu’en 2015 pour la venue du deuxième tome de cet intégral de MR. Y aurons-nous droit à une nouvelle aventure fraîchement sortie des esprits tordus de Godbout et Fournier? Ce serait là un cadeau fort apprécié des amateurs, ne serait-ce que pour voir comment notre sympathique aventurier se débrouillerait dans cette ère de communications et de technologies… D’ici là, on peut se laisser trimbaler aux quatre coins du monde dans un tour guidé naïf où l’absurde agit comme langue universelle. Puisque après tout, on a les héros qu’on mérite!