Mission France : Sandra revient sur son voyage de femme d’affaires


Sandra revient d’un voyage de prospection en France, youhou ! Deux mois qui lui auront permis de découvrir le marché européen francophone de la bande dessinée, de faire des rencontres plus enrichissantes les unes que les autres, mais aussi de faire évoluer la manière d’organiser le travail au sein de l’équipe. En tant que stagiaire de PLANCHES, diplômée en journalisme, je reviens avec elle sur une étape importante pour l’avenir de la revue.

 

Festival_Angouleme_France_2016
La foule au Festival de la BD d’Angoulême

 

Allô Sandra ! Tu es partie en mission de prospection en France entre janvier et mars 2016. Tu es arrivée avec quel.s objectif.s en tête ?
L’idée c’était de trouver un distributeur, c’est-à-dire une manière de vendre la revue en France d’abord et dans le reste de l’Europe francophone ensuite. Mais en fait, ça s’est transformé en une étude de terrain vraiment intéressante durant laquelle j’ai pu mieux comprendre les différentes composantes du marché en rencontrant des éditeurs, des distributeurs, des libraires et différents professionnels européens du milieu du livre et de la bande dessinée.

Tu as fait quoi durant ce voyage ? On veut tout savoir !
J’ai fait plein de trucs. J’ai commencé par aller au festival d’Angoulême, le plus gros festival de bande dessinée d’Europe qui avait lieu du 27 au 31 janvier. C’était bien d’être là sans emplacement pour PLANCHES parce qu’honnêtement, je n’aurais pas du tout été dans le bon créneau : je n’aurais pas vu l’importance du marketing, ni pris conscience du soutien de toute la ville autour de l’événement, ni amené le bon stock, etc.

C’est un gros rassemblement du milieu de la bande dessinée, tu as du rencontré du beau monde ?
Oui vraiment ! Déja j’ai pu rencontrer des éditeurs indépendants tels que Misma, L’employé du Moi ou encore L’Agrume, et voir leur type de stratégie commerciale, les ouvrages qu’ils ont dans leurs catalogues, etc. J’ai pu avoir leurs retours concernant les distributeurs avec lesquels ils travaillent, et ainsi obtenir des conseils et des infos notamment sur les types de contrats de distribution, sur les pourcentages, sur les clauses sur lesquelles il faut faire attention, ce genre de choses.

 

Sandra_Paris_France_2016
Sandra au Salon du livre de Paris

 

Tu as aussi rencontré des distributeurs…
Oui, Les Belles Lettres d’abord, à Angoulême, puis Harmonia Mundi, Makassar, Presstalis, Serendip et CDE Gallimard à Paris, où je suis restée un mois, notamment pour assister au Salon du livre. C’était super cool car j’ai rencontré les différents niveaux de distributeurs. En fait, ils se classent selon les quantités distribuées et les types d’ouvrages (romans, scolaire, presse, BD, etc.) qu’ils distribuent, chacun travaille donc avec un certain type d’éditeurs mais aussi avec un certain nombre et type de points de vente. Les distributeurs sont souvent également diffuseur, c’est-à-dire celui qui va régulièrement dans les points de vente avec le catalogue d’ouvrages des éditeurs qu’ils représentent pour prendre les pré-commandes. Les distributeurs que j’ai rencontré ont tous cette double casquette, c’était donc d’autant plus intéressant !

 

« Notre mission est de populariser les auteurs québécois »

 

Et tous ces gens que tu as rencontré, ils la perçoivent comment notre revue de bande dessinée québécoise ?
Au début, la moitié me disait « Il faut absolument que tu mises sur l’identité de la revue, le Québec c’est de plus en plus à la mode » et l’autre moitié « Ça va te desservir, il faut surtout que tu dises que c’est de la bande dessinée indépendante ». Mais au final, ils finissaient tous par être admiratifs et conquis par le produit alors c’est l’essentiel.

Les gens connaissent déjà la bande dessinée québécoise là-bas ?
Ça commence à peine à se répandre en fait. On trouve des livres de Jimmy Beaulieu et de Michel Rabagliati par exemple. Il y a aussi des séries comme Les Nombrils de Dubuc et Delaf, qui marchent super bien, mais en France, personne sait que c’est Québécois. L’Europe francophone est le plus gros marché pour la bande dessinée, on a donc un vrai rôle à y jouer puisqu’en tant qu’organisation à but non lucratif (OBNL), notre mission est de populariser les auteurs québécois. Or si au Québec, c’est un enjeu tout à fait jouable, en France, c’est un vrai défi, mais qui vaut vraiment la peine, si on veut donner des ailes à nos auteurs.

 

Librairies françaises où trouver PLANCHES : Bédéciné (Toulouse), Expérience (Lyon), Le Pied de Biche, Le Monte-en-l'air et Super-Héros (Paris)

 

Justement, as-tu pu concrétiser des choses ?
J’ai pu faire connaître PLANCHES dans le milieu, j’ai eu trois offres de distributeurs, mais on ne préfère rien signer pour le moment. En fait, je me suis rendue compte durant mon voyage qu’être disponible en librairie en France, c’était simplement être disponible. C’est à dire que si personne n’a entendu parlé de ton livre, tu vas vendre trois copies chez le seul libraire qui aura eu un coup de cœur et qui t’aura mis en avant. Quelques librairies aiment et défendent PLANCHES là-bas, mais ça reste des exceptions. Si on est distribué, mais pas véritablement défendu, c’est beaucoup d’organisation et de coûts pour très peu de ventes au final. On va donc commencer par faire une grosse campagne de promotion, notamment en participant à des festivals et des salons, pour que le public d’Europe francophone commence à connaître la revue et cherche ensuite à se la procurer.

Tu y retournes bientôt alors ?
Oui, dès le mois de juin puisque le directeur de Lyon BD, une des belles rencontres faites durant mon voyage, m’a invité à tenir un kiosque lors de cet événement. Ça va être un premier test avec le public européen, qui me permettra d’adapter un peu mon pitch et le marketing du kiosque, avant d’enchaîner sur toute une période de festivals que j’ai prévu de faire cet automne, en commençant, si tout va bien, dès septembre avec la fête de la bande dessinée de Bruxelles en Belgique. On se dit qu’avec un minimum de ventes, on devrait être capable d’au moins rembourser mes frais de déplacements et le coût des tables, tout en développant notre lectorat et notre visibilité. J’ai vraiment super hâte !

 

« On travaille beaucoup mieux depuis que je suis partie ! »

 

Les choses s’enlignent bien, pourtant ça n’a pas dû être évident au début, pour une jeune entrepreneure québécoise, de débarquer en France pour faire des affaires…
C’est sûr qu’au début je n’avais pas beaucoup de rendez-vous, mais c’était bien d’être là longtemps car j’ai rencontré les gens un peu par « effet domino » : un premier contact me donnait un autre contact qui m’en donnait un autre. Après, j’ai grandi en France et je pense que ça a facilité les choses. J’ai eu plus de facilité à comprendre les codes sociaux et professionnels. Par exemple, en France, il y a un peu plus de séduction, le rapport personnel y est plus important, alors qu’ici, au Québec, on a un côté plus objectif et direct dans les affaires. Et puis quand je sortais des mots québécois je voyais des airs bizarres alors je passais au vocabulaire français et ça allait tout de suite mieux haha !

 

Un bien beau bureau improvisé pour préparer les commandes à envoyer aux librairies françaises
Un bien beau bureau improvisé pour préparer les commandes à envoyer aux librairies françaises

 

S’il n’y a pas (trop) la barrière de la langue, ça doit quand même être différent de faire affaires avec quelqu’un dans un autre pays que le sien. As-tu rencontré des obstacles ?
En tant que jeune et que femme, je m’attendais à ce qu’on me prenne de haut et j’ai d’ailleurs senti un regard un peu paternaliste à des moments, mais c’était léger. Un regard qui changeait quand je montrais la revue et que les gens voyaient que notre projet était sérieux et solide. Par exemple, un distributeur que j’ai rencontré a vraiment été impressionné quand je lui ai dit qu’avec Émilie on se versait une rémunération. En fait, la majorité des éditeurs de bande dessinée indépendante en Europe sont bénévoles. Ce qui est absurde, parce qu’au final, le fait qu’on se rémunère ne change pas la qualité du produit, mais j’imagine qu’il s’est dit qu’on devait être bonnes au niveau de la gestion et de l’organisation de notre revue.

Les finances sont souvent un obstacle justement, dans les entreprises culturelles. As-tu pu bénéficier d’aides financières pour ce voyage ?
Il existe des subventions pour les OBNL qui veulent faire de la prospection dans le but de développer leur public à l’étranger. PLANCHES en a obtenu deux, une de la part du Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ), et une autre du Conseil des Arts du Canada (CAC). Je leur dis encore merci ! Ça a payé les frais de transport et l’acheminement de copies pour réapprovisionner la dizaine de librairies françaises qui vendent nos revues. Et puis j’ai la chance de connaître pas mal de personne fort sympathiques qui m’ont hébergée à droite à gauche, réduisant les coûts, et me permettant de rester aussi longtemps.

 

Logo_CALQ

 Logo_CAC

 

 

Pour finir, as-tu une astuce à donner à des jeunes entrepreneur.e.s qui, comme toi, voudraient partir prospecter à l’étranger ?
Comme je continuais de travailler sur mes dossiers, entre les périodes de rendez-vous, il fallait qu’on s’organise pour travailler à distance, avec Émilie. Bien sûr, on se parlait souvent au téléphone, mais on a aussi commencé à utiliser Asana, une plateforme qui nous permettait à chacune de voir l’avancement du travail de l’autre, tout en étant à distance. Ça sépare les dossiers, ça classifie et clarifie nos communications, c’est vraiment super. On continue à l’utiliser même maintenant que je suis de retour à Montréal. Cet outil nous a vraiment permis d’améliorer notre auto-gestion et donc, étonnamment, on travaille beaucoup mieux depuis que je suis partie !

 

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Propos recueillis par Aurélia Morvan

 

4 thoughts on “Mission France : Sandra revient sur son voyage de femme d’affaires”

  1. merci pour cet article super intéressant, je voulais justement demander a Sandra si elle avait pu faire un tour a Bruxelles chez tulitu qui est une librairie québécoise qui a ouvert l’année dernière ou bien a paris à la librairie du Quebec, du coup Bruxelles ca sera pour septembre ?

    bonne continuation 🙂

    ps : l année dernière, j’avais essayé de trouver planches chez bdnet sans succès mais la vendeuse connaissait car elle revenait du canada et avait vu des pubs ou des affiches (peut être dans le métro ?)

  2. Bonjour Kim,

    Merci pour ton intérêt, c’est très apprécié !
    Effectivement Sandra ira à Bruxelles et en France à l’automne prochain, elle en profitera pour faire un tour dans diverses librairies dont sûrement celles-ci ! 😉

    Continue à parler de nous, c’est grâce à des lecteurs comme toi que PLANCHES avance !
    Au plaisir,
    Aurélia.

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